Nous sommes 10 grimposixiens à nous retrouver ce mercredi soir à la gare d’Austerlitz après une journée de travail. Dix grimpeurs chargés de leurs cordes et prêts à prendre un train qui nous emmènera aux Arcs-Draguignan où, rejoints par deux camarades – Roxane et Kevin -, nous pourrons rallier notre destination : le Verdon.
Ah le Verdon ! « Un site mondialement connu pour la qualité de ses voies » nous dit la bible du grimpeur CamptoCamp. « Un passage obligé dans la vie de tout grimpeur qui se respecte » indique Verdon tourisme.
Et déjà, dans le train, avant de s’endormir, nous imaginons nous avec excitation et respect les défis et les surprises que nous réserve ce nom : le Verdon.
« J’y étais » nous dit Constant avec la sobriété d’un ancien combattant se refusant à évoquer ses souvenirs d’une terrible guerre.
Tandis que nous fêtons l’anniversaire d’Emilie avec gâteaux, fraises, cadeaux et fleurs, son véritable cadeau l’attend en Haute-Provence, un cadeau aux allures de baptême du feu mais à la hauteur de son expérience de grimpeuse.

Le Verdon, c’est d’abord une rivière qui court entre la tête de Sestrière et Vinon-sur-Verdon pour se jeter dans le Durance. Une rivière à l’allure de torrent capable de creuser un canyon ; les gorges du Verdon. Si vous voulez passer pour un vrai, dites Verdoun.


Quand nous arrivons à la gare des Arcs le lendemain matin, il nous faut prendre la voiture pendant plus d’une heure pour le rejoindre au niveau du lac de Sainte Croix. Là se trouve la petite ville de Moustiers Sainte-Marie. Blottie contre un escarpement rocheux, cette petite ville touristique célèbre pour sa faïence est non moins appréciable pour son glacier artisanal l’Etoile givrée (prenez la glace vanille et amandes de Valensole en priorité) mais nous y reviendrons.
Nous y reviendrons car priorité à la grimpe pour nos douze camarades qui se précipitent aux pieds des falaises pour toucher le calcaire de leurs premières grandes voies (Imaginarium, Courchonnades) du secteur de Moustiers. C’est comme une introduction à ces quelques jours. En haut s’étend à l’horizon d’une part le plateau de Valensole, d’autre part l’entrée des gorges et au milieu le grand lac de Sainte Croix où nous nous baignerons. Avec nous dans le ciel, les vautours fauves nous tiennent compagnie et nous couvrent de leur envergure (entre 2,20m et 2,80m pour un vautour adulte).
Puis c’est déjà l’heure de gagner le gîte de la Palud Sur Verdon où nous attendent Nathalie et son risotto au citron. Les grimpeurs et grimpeuses discutent des voies du lendemain. Une première journée s’écoule ainsi sans crier gare.


Le lendemain, place aux gorges ! La Palud se situant au milieu du parc naturel, nous formons des groupes de deux cordées qui chacun va dans l’une des trois voitures et se rend sur l’un des nombreux secteurs. Ce sera Laïspité (6a) pour les uns, une tentative de valse avec Manon (6b) pour les autres (qui se feront éconduire par la belle qui est très prisée dans la région). Et après la grimpe : une baignade dans le lac de Sainte Croix. Nous pourrions résumer ces quelques jours en disant simplement ceci. Se lever tôt, grimper, puis se baigner dans les gorges ou dans le lac, puis rentrer dîner, discuter des voies du lendemain, se coucher fatigués et se relever le lendemain plein d’entrain.
Et voilà ! Grimpe, Baignade, Dodo. Et voilà ?

Lorsqu’on se retrouve sur le quai d’une gare pour prendre un train et aller grimper, on peut se dire qu’il s’agit là somme toute d’une parenthèse dans notre quotidien, notre métro, boulot, dodo (natation, course, escalade, vélo, boulot, dodo lorsqu’on s’appelle Marie-Amélie).
Pourtant, le PNR nous avait prévenu. « Une autre vie s’invente ici » proclame le Parc Naturel du
Verdon sur son logo et sur son site.
Chacun d’entre nous, nous avons notre vie que nous pensons connaître. Mais alors qu’est-ce que c’est cette autre vie qui s’invente ici ?


Eh bien c’est une vie où l’on se lève parfois tôt (avant 6h) mais avec facilité parce que ça va être trop bien. Une vie où il apparaît très nettement qu’il faut parfois faire des choix radicaux et se décider entre Marie et Amélie lorsqu’on demande à être pris sec. Une vie où l’homme – Ambroise, faut-il le préciser… – sauve courageusement un papillon de la noyade. Une vie où Ondine peut se plaindre de la nourriture (c’est vrai que ce n’était pas ouf) car tout le reste est tellement bien. Une vie où Laurent voit le PSG gagner la ligue des champions. Une vie où Roxane apprend enfin des rudiments de l’accent du sud où elle s’est installée. Une vie aussi où Kevin gagne enfin à un jeu, celui du plus beau ricochet sur le Verdon. Une vie où Guillaume renoue avec son âme de hippie en dessinant des signes kabbalistiques avec des galets pour se connecter aux énergies de la rivière et se veut artiste en apprenant à jongler par derrière. Une vie où Tristan sacrifie son coude pour les beaux yeux des dalles grises. Une vie où les hommes (Laurent et Florian pour ne pas les citer) se battent uniquement pour savoir qui a le plus gros talkie-walkie.


Parfois, lorsque nous avons désir d’altérité et d’impossible dans notre vie, nous pouvons aller au Verdon avec nos amis de Grimpo6 pour chercher un peu d’autre chose à ajouter dans notre vie. Et lorsque nous rentrons quelques jours plus tard sur le quai de cette même gare, notre vie n’est pas tout à fait la même. Il y a quelque chose en elle du soleil de Provence, de son accent chantant, une odeur de thym, de sueur, un sentiment d’amitié et de gratitude dans le cœur ; bref, un peu de Verdon dans notre vie.