Partir à Buis-les-Baronnies, c’est faire l’expérience – terrifiante pour le grimpeur – du lâcher-prise et de la perte. 

Et ce dès les commencements. 

Arrivé jeudi 27 avril vers 10h, notre groupe composé d’Hanbi, Andréa, Marie, Louise, Ondine, Wojtek, Quentin, Ambroise, Albin et Pierre aurait dû se méfier de premiers signes avant-coureurs. En particulier celui d’avoir pour guide l’archéologue muséal Pierre Fallou. Dans quelles fouilles un homme rompu à l’étude de civilisations perdues allait-il nous embarquer ? Le signe aussi d’être accueilli par une personne portant des lunettes noires et à l’identité incertaine – Dudu, la grosse Dudu, Marie, Claire – très prompte à modifier son nom sur WhatsApp.

Une fois en route vers Buis-les-Baronnies (compter une bonne heure de voiture depuis la gare d’Avignon TGV), nous avons commencé par nous perdre. Lecteur, si par hasard tu t’aventures dans la ville de Buis, en longeant le parking en face du cinéma, ne poursuis pas sur la route qui traverse un petit pont de pierre. Elle a constitué pour notre équipée une mise en abîme édifiante de notre périple en nous perdant dans les champs d’oliviers durant un bon quart d’heure avant d’enfin nous permettre de retrouver la ville.

Cette arrivée triomphale à Buis-les-Baronnies fut un premier test pour éprouver les aptitudes de nos membres à la perte. Car après notre chemin, c’est la voiture dont notre guide l’archéologue muséal Pierre Fallou, jugea bon de se débarrasser en la laissant dans le parking de la pharmacie, lequel n’est ouvert qu’aux horaires d’ouverture de cette même pharmacie et fut donc fermé quand nous tentâmes de la récupérer. Cette anecdote me permet de vous enjoindre à lire attentivement les panneaux de temps à autres.

À l’exception notable toutefois des panneaux indiquant les falaises du secteur de Baume Rousse où nous allâmes après le déjeuner. Si vous vous y rendez, tournez au premier chemin après l’espace où les voitures se garent et ne vous laissez pas leurrer par les panneaux vous incitant à tourner plus loin.

À Baume Rousse, notre groupe s’échauffa sur des couennes et des petites grandes voies et les encadrants rappelèrent la manip’ du rappel. Un rappel du rappel ; un viatique bien dérisoire face aux péripéties qui nous attendaient : perte de chemin, lâcher de prise en pleine voie, perte de téléphone, lancer de reverso.

À noter cependant que le pays buxois, s’il est l’occasion d’égarements, est aussi l’occasion de rencontres fortuites dont celle de Martin, voisin d’EPM croisé par hasard sur le site de Baume Rousse et qui partagea avec Marie, Louise et Andréa voies et conseils. Confrontés à cette première désorientation, notre groupe lâcha prise.

Le lendemain (vendredi), nous nous dirigeâmes vers le rocher Saint Julien, la star des rochers du coin. Equipé de plus de 250 voies, avec son apparence de crête de dinosaure, le Saint-Julien était le terrain de jeu le plus proche et le plus accessible. Sa roche calcaire aux grandes voies engagées de 2 à 4 longueurs, abrite aussi, pour votre information, des vautours fauves en grand nombre depuis sa réintroduction dans la Drôme provençale.

Depuis vendredi dernier, le Saint-Julien abrite aussi à son sommet le téléphone d’Hanbi. L’archéologue muséal Pierre Fallou prit le soin de lui laisser de multiples messages afin d’informer ses futurs confrères qui s’interrogeraient sur la présence d’un tel vestige en haut du Saint-Julien.

En voici un florilège :

Bip

Oui, bonjour, c’est Pierre. Ce serait pour réserver ce soir à la pizzeria de l’Arbre à pizza ? Merci !

Bip

C’est encore moi. J’avais oublié, ce serait pour 10 personnes

Bip

Il s’agit de la pizzeria qui se trouve sous les colonnades, sur la place de la fontaine

Bip

Tant que j’y pense. Pour moi ce sera une quatre fromages.

Albin décida par ailleurs, par compassion pour sa bien-aimée, de lancer son reverso en haut du premier relai. Et ajouta à l’article de nos pertes, en plus d’un téléphone et de notre chemin, son système d’assurage. Pas en reste, Quentin et Wojtek contribuèrent à l’effort collectif en ajoutant à la liste un maillon rapide. 

Le lendemain matin, Ondine et Pierre prirent donc le temps de nous montrer comment se passer d’un reverso en grande voie en disposant en haut d’un relai sur deux mousquetons des demis cabestans pour l’assurage ainsi qu’en faisant un demi cabestan avec les deux brins de la corde pour la descente. Nous retournâmes au Saint-Julien faire quelques grandes voies. À noter le coup de cœur de la rédaction au Saint-Julien : la Grotte, voie de 100m aux paysages variés, alternant passage dans une grotte et traversée périlleuse.

Un autre coup de cœur fut celui d’Ambroise qui découvrit dans le secteur de Baume Noire, où nous nous rendîmes le dimanche une voie prénommée Clémentine, coup de cœur du topo et coup de cœur sentimental du jeune homme qui fut tout ému de s’y aventurer grâce à l’entremise de Louise, avant de se rendre compte qu’il s’était trompé de voie sur la deuxième longueur.

Car aller à Buis, c’est se confronter à la perte mais aussi, au cœur même de la perte, au sentiment que tout nous échappe (reverso, marche d’approche, paroles de Pierre Bachelet, amour), et au cœur même de ce sentiment, parvenir à se hisser malgré tout au sommet, incertain de qui l’on est, se redécouvrant avec surprise face à la peur du vide.

Buis-les-Baronnies, c’est une perte de repères assurée devant la beauté de la Drôme provençale. Ce sont aussi des voies engagées face à cette perte. 

Aussi, grimpeuses et grimpeurs, engagez-vous ! Engagez-vous pour l’escalade, engagez-vous par amour, engagez-vous par amour de l’escalade et engagez-vous pour ce club qui vous aime et qui vous attend pour de nouvelles aventures humaines, sportives et spirituelles pour vous hisser au-delà de vous-mêmes.

Mentions spéciales à Ambroise pour sa victoire claire, nette et indiscutable à la course de remontée de cordes face à Quentin ; à Wojtek pour son lâcher de prise le dernier jour, numéro de haute voltige, à Ondine pour sa belle « reprise » de grimpeur volant ; et à tous les membres de ce merveilleux groupe !


Les recommandations du groupe :

Saint-Julien: la Grotte (6a), le Trou (6a+), le Gastronome (5c), l’Espadon (5c+), Les guêpes (5b)

Aiguille de Buis : Le Bouclier (5c+), La fesse gauche (5c)

Baume Noire : Clémentine (<3)